Le sel de la vie dans un camp de refugiés

Cécile Endamag (à sa droite), son neveux et sa voisine devant son étale au marché.Photo: LWF/C.Kastner

La FLM Tchad soutient les réfugiés avec des petits crédits

Son étale est composé d’oignons, de cubes Maggi, de petits poivres jaunes et d’huile de cuisson. Les sacs en plastiques pointus contenant le liquide jaune brillent dans le soleil de l’après-midi. Parfois, un client s’approche pour acheter l’un des petits sacs d’épices sur l’étale de Cécile Endamag au marché du site de réfugiés de Gondje. « Les gens d’ici manquent d’épices » dit-elle. « Nous recevons des céréales et de la nourriture de base mais rien pour assaisonner. Ce sont les épices qui se vendent le mieux. »

Endamag est une réfugiées de la République Centrafricaine (RCA), dont la frontière est à 60 km du site. Au pays elle avait une petite épicerie et son propre hangar avec un bon stock de nourriture. « Quand la guerre a commencé, nous nous cachions dans la brousse » se rappelle-t-elle. « Après un moment, même cela est devenu dangereux et fatiguant, donc nous sommes partis. »

Améliorer le quotidien

Endamag a perdu son mari dans la guerre. Elle est arrivée au Tchad en 2008. Il y a une année la Fédération Luthérienne Mondiale (FLM) au Tchad l’a aidé à ouvrir son commerce avec une subvention en cash. « Je ne gagne pas beaucoup mais le peu d’argent que je gagne améliore un peu le quotidien, » dit-elle. « Maintenant j’ai les moyens d’acheter les fournitures scolaires et des vêtements pour mes enfants, et un peu de nourriture. »

Comme elle, 600 réfugiés centrafricains et personnes vulnérables vivant dans les communautés hôtes ont reçu des bourses financières pour ouvrir un commerce. « Nous les encourageons à former des groupes, » explique Marie-Grâce Longaye, qui supervise les Activités Génératrices de Revenus à Gore. « De cette manière, les réfugiés forment des communautés, s’organisent eux-mêmes et, idéalement, se responsabilisent entre eux pour rembourser les prêts. »

La situation d’Endamag et de sa famille est, ce que les agences humanitaires appellent une situation réfugié de longue durée. Parce que les conflits sont récurrents dans leur pays d’origine, certains sont obligés de vivre à l’étranger pendant des années, voir des décennies. Ils construisent des maisons d’argiles semi-permanentes avec des toits de pailles, cultivent un lopin de terre qui leur a été alloué par le pays hôte, et attendent le retour de la paix et de la stabilité dans leur pays d’origine.

Certains réfugiés centrafricains sont même arrivés en 2003 et leurs enfants n’ont jamais connu que le camp de réfugiés. Les derniers groupes sont arrivés en 2014, quand les milices anti-balaka ont organisé un coup d’état contre le président musulman et ont aisni commencé une guerre contre la population musulmane. Beaucoup sont des travailleurs migrants tchadiens de Centrafrique. Même si ils sont considérés comme des « retournés » ils ont eux aussi perdu leurs maisons et sont arrivés dans un pays inconnu.

Une maison loin de chez soit

Aider les gens à créer un commerce, est donc bien plus qu’un moyen de leur fournir un revenu additionnel. « Cela leur donne à nouveau un objectif, » dit Longaye. « Ils ont vu des choses terribles et perdu des membres de leur famille. Beaucoup de femmes ont perdu leurs maris. Les aider à prendre leur vie en main est aussi une manière de les aider à guérir. »

Les petits groupes de prêts ont été créés afin d’offrir un travail, une stabilité et une nouvelle communauté. Cela est particulièrement visible dans le « Groupement Garage ». Comme le nom l’indique, le groupe a utilisé son prêt pour ouvrir un garage, qui s’occupe aussi de menus travaux de peinture, de soudure et d’autres travaux  de forgeron. « Nous avons été les premiers à réparer une voiture dans la région, » dit Amidou, le président du groupe. « Maintenant nous recevons des demandes des communautés hôtes proches pour se joindre à notre groupe. »

Le groupe intègre des jeunes et moins jeunes, et utilise la variété des talents. Le plus jeune apprenti est Abulai Amadou, un garçon de 15 ans qui a un handicap auditif. « Sa mère nous l’a amené, » explique le président. «  A cause de son problème d’oreille il ne pouvait pas aller à l’école, donc elle nous a demandé de le former. » Le plus vieux membre du groupe est Mamadou Abu, 53 ans, le trésorier et professeur non officiel du groupe. « Nous voulions quelqu’un de vieux et de sage pour gérer l’argent. Nous allons aussi le voir quand nous avons besoin de conseils et pour la formation des jeunes » dit Amidou. « Ils formaient les apprentis en RCA. »

« Ce groupe m’a donné l’opportunité d’apprendre quelque chose, » nous dit Amadou Soufa, 22 ans. Lorsqu’il est arrivé Il était encore adolescent et n’avait aucune perspective de continuer son éducation. Les membres du groupe l’ont formé aux différents aspects de la réparation de voiture et du travail du métal. Maintenant il a pour objectif d’ouvrir son propre atelier.

« C’est important de former les jeunes, » dit Amidou. « La situation est dure psychologiquement. Après tout ce que nous avons vu nous savons qu’il n’y pas d’espoir de rentrer bientôt. On ne veut pas rester les bras croisés à ne rien faire. »